Historiquement Google a été l'un des premiers gros acteurs du web à rendre populaire le concept d'API. Cette interface de programmation, véritable porte ouverte à l'utilisation avancée d'un service ou d'une base de données utilisateurs pour un service tiers, est très rapidement passée d'un laboratoire pour étudiants programmeurs à la création de véritables écosystèmes, dont les règles de gouvernance et les relations je t'aime, moi non plus nous amène à réfléchir sur les enjeux de cette relation de dépendance.
Au regard du nombre d'utilisateurs (+ de 500 millions) Facebook est sans aucun doute LE modèle d'écosystème ultra développé du moment. Zynga, créateurs de jeux sur cette plateforme dont le célèbre Farmville et valorisé aujourd'hui à environ 10 milliards de dollars, est quant à lui un des fers de lance de ces entreprises qui basent leur business model sur l'API d'un autre.
Twitter a également vu émerger un écosystème très dense, tout d'abord basé sur les fameux clients (Tweetdeck, Seesmic et autres UberSocial) puis apparurent différents outils de veille, d'analyse et de e-réputation (Hootsuite ou encore Socialomate en France). Les premiers, tant sur la partie desktop que mobile, ont alors pu voir, non sans amertume, l'arrivée de clients twitters officiels (dont le rachat de tweetie et de tweetdeck par twitter) puis l'annonce de limitations et de blocages (Ubertwitter, leader sur la plateforme Blackberry étant le plus célèbre exemple).
Dernièrement, l'annonce du lancement d'un service intégré de publication de photos a dû laisser TwitPic ou Yfrog assez circonspects.
Autre signal à prendre en compte, Seesmic de son côté, semble changer (encore ?) de business model pour se concentrer sur des solutions professionnelles (cf l'accord avec Salesforce). La connexion directe entre Loic Le Meur (@loic) et les créateurs de Twitter pourraient l'avoir sérieusement incité à changer son fusil d'épaule.
Foursquare de son côté semble assez complet et ouvert quant à l'utilisation de son API, sans doute car ils ne peuvent pas encore se permettre de bloquer leur croissance (les applications utilisant une API sont encore un moyen de générer du trafic supplémentaire, cf. le cas twitter) mais on pourrait imaginer un revirement une fois entérinées les modes de monétisation.
LinkedIn enfin a permis aux développeurs d'accéder à de nouvelles possibilités d'intégration il y a quelques semaines, juste avant son entrée en bourse. En regardant la page dédié à son API de plus près, j'y vois plus une manoeuvre de communication toujours bien perçue par le marché avant l'IPO, plus qu'une réelle stratégie de fond.
Pour beaucoup, l'accès aux bases de données des réseaux sociaux via l'API doit évidemment être gratuit. Je ne pense pas que cette donnée soit si évidente. Ne serait-il pas logique que des entreprises qui génèrent des revenus sur les données d'un tiers aient à reverser une partie de leurs revenus à ces mêmes tiers ? Zynga en est peut être le meilleur exemple. Pour publier un jeux sur une console de jeux, l'éditeur doit payer une licence/droit d'accès (modèle de la Xbox, PS3 ou autre Nintendo DS) ou bien verser un pourcentage de ses ventes (30% pour l'App Store d'Apple). Même s'il est vrai que l'insertion de publicités sur Facebook dans les jeux de Zynga génère des revenus à Facebook, je pense qu'ils ne doivent pas être très élevés (je peux me tromper mais vous, cliquez-vous sur ces bannières ?). Le débat sur le caractère payant de l'usage d'une API génèrerait sans nul doute une levée de boucliers, le monde du web étant historiquement en faveur du libre ou du gratuit. Mais je ne désire pas m'attarder aujourd'hui sur ce point précis.
Il y a donc à mon sens un réel danger pour les startups qui basent leur développement sur ces API. Celui d'être dépendant de la bonne volonté de ces réseaux sociaux de continuer à mettre à leur disposition leurs services ou leurs bases de données. Or celle-ci dépendra tout simplement des modèles de revenus de ces mêmes réseaux sociaux et de la valeur ajoutée que leur apporte votre propre service.
Rappelons que Facebook vit de la publicité, LinkedIn principalement de ses services Premium, concernant Twitter et Foursquare la publicité premium semble pour l'instant le chemin choisi.
La création d'une API startup est basée sur l'exploitation d'une opportunité mais son succès reposera certainement sur sa capacité à croître et devenir indispensable pour s'échapper de toute dépendance. Je vois mal Facebook fermer la porte à Zynga (au regard de sa taille et du trafic que cela génère pour Facebook), mais on a vu Twitter bloquer UberMedia (avec en somme d'assez faibles conséquences pour le petit oiseau bleu) et surtout bruler les ailes de nombreux clients ou autres services liés.
Finalement, on revient aux bases de tout business : je vous laisse utiliser mes données, si et seulement si vous m'apportez quelque chose en retour. Pensez-y vraiment si vous êtes sur le point de baser votre startup sur une API, surtout s'il s'agit de celle du dernier service à la mode.
Update juin 2012 : je vous invite à lire cet article de The Next Web sur l'histoire de la startup française Pealk et sa difficile relation avec Linkedin et son API.